CONTRE LA POLITIQUE
La politique, la voilà de nouveau ! C’est la seule façon vraiment
efficace de changer le monde, au point qu’on doive y contribuer activement pour
soutenir un événement social important… cela va sans dire. Avant de vous
engager dans n’importe quelle cause, il est essentiel de considérer les règles
du langage politique que Machiavel (1469-1527), le maître penseur de la
Renaissance, a établies pour toujours. C'est-à-dire, la politique telle qu'elle
est, et non pas comme elle devrait être.
D’abord, la politique n’est subordonnée ni à la religion (comme le
prétendent les évêques catholiques) ni à l’éthique. Un exemple en ce qui
concerne cette dernière : les défenseurs de l’universalisme éthique proposent
que l’ordre juridique qui structure la société civile doive reconnaître,
protéger et développer les droits humains reconnus par la communauté
internationale. Néanmoins, ces droits sont en réalité l’huile qui sert à
graisser les grandes affaires du capitalisme industriel et financier. La Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme est le cadre idéologique et légal de la
société libérale.
La politique ne dépend pas non plus de l’anthropologie. La pensée
libérale considère que « l’analyse rationnelle de la condition humaine » révèle
deux vérités « naturelles » : le droit illimité de l’homme à l’initiative
individuelle et à la propriété privée. Tous deux sont les piliers nécessaires
d’une société juste. Voilà la devise « Laissez faire, laissez passer, le
monde va de lui-même ». Bien que dans la pratique, il s’agisse d’une
conception philosophique qui est utile pour les pouvoirs factuels de la banque
et des marchés. De plus, il n’existe pas de « droits naturels », tous les
droits sont historiques.
D’autre part, l’utopie n’est pas le propre de la politique. Une idée
exprimée actuellement dans d’inquiétants projets technocratiques, des fantômes
cyber-génétiques ou des programmes cryptocommunistes qui spéculent avec des
chimères… tandis que la droite pilote tranquillement le bateau. La politique,
est-ce une activité rationnelle ? Pas du tout. Malgré tous les arguments que
nous présentons pour une idée, un programme (que nous ne lisons jamais) ou un
parti politique, finalement ce n’est pas la tête qui décide l’orientation du
suffrage ; ce sont plutôt les sentiments intimes d’approbation ou de
désapprobation, les préjugés bavards et l’influence involontaire de l’éducation
familiale.
Le langage de la politique n’obéit même pas aux règles de la logique.
C’est tout à fait valide pour un dirigeant politique de soutenir des idées en
gouvernant et justement les contraires quand il se trouve dans l’opposition.
Même si un parti gouverne (ou se trouve dans l’opposition), il modifiera ses
principes en fonction des sondages, de la conjoncture précise ou de l’équilibre
intérieur.
Toutes ces considérations que nous avons soulignées ne signifient point
que la politique soit contraire à la religion, à l’éthique, à la condition
humaine, à la raison pratique ou à la logique. Depuis toujours, un politique
sage (c'est-à-dire, le prince de Machiavel) devra les utiliser tout le temps
pour accomplir ses buts. Le prince devra simuler, respecter, accomplir,
s’adapter… à condition que sa conduite serve au gouvernement de la nation. Mais
s’il fallait faire le contraire pour obtenir le bien commun, il n’hésitera
jamais à l’exécuter avec la même fermeté.
La seule méthode et la fin du prince consistent à obtenir, maintenir et étendre le pouvoir, s’il veut parvenir à ses fins. La fin justifie toujours les moyens. L’amour illimité du pouvoir, c’est la seule garantie du gouvernement correct. La politique, c’est comme ça !