LE LANCE-PIERRE
Un lance-pierre (c’est mon truc !), c’est le bidule de mon
enfance que je souhaiterais retrouver derrière un canapé abandonné dans la
mansarde de mes parents. Le lance-pierre dont je vous parle n’est pas un objet
industriel qui a été fabriqué en série, avec une fourche métallique, des
élastiques jaunes et une « basane » plastifiée. Il s’agit plutôt d’un
authentique « gomero » artisanal, fait sur mesure en bois de merisier, avec
deux élastiques en caoutchouc vulcanisé et une véritable basane en cuir. À l’âge
adulte, j’ai eu beau chercher, je ne l’ai pas retrouvé !
Quand j’avais douze ans, j’ai passé une fois mes
vacances d’été dans un petit village de la province de Cuenca : Valverde del
Júcar. Mes parents étaient en voyage en Europe et mon oncle Gustavo, qui
habitait et travaillait dans le village, m’avait accueilli avec plaisir chez
lui. C’est à Valverde que j’ai connu le fils d’un travailleur de l’entreprise
de mon oncle : Victoriano. C’était aussi un adolescent, bien qu’il ait toujours
vécu à Valverde et moi à Madrid. Il écoutait en prêtant attention, comme s’il était
hypnotisé, les histoires de Madrid que je lui racontais : les gens, les rues,
les monuments, les stades, etc. Par contre, il me montrait tous les secrets de
la vie de campagne : pêcher à la ligne, monter sur la herse pour battre le blé,
trouver les nids des oiseaux, faire une cage pour les grillons, allumer un feu
l’après-midi… Je ne pourrai jamais oublier ce mois-là. J’ai connu à travers ma
vie le Bonheur (avec majuscule) en dix occasions. Celle-là est la troisième…
Quand les vacances se sont terminées, la veille du départ, mon ami Victoriano m’a fait un cadeau vraiment spécial : un lance-pierre fabriqué par lui-même pour que je me rappelle de ces vacances ensemble. Auparavant, je lui avais dit : « Le lance-pierre, ça me dit beaucoup, j’en ai assez des bidules mécaniques ». Pendant l’hiver à Madrid, le lance-pierre disparut après une plainte du professeur de religion du lycée… et depuis lors, je le cherche désespérément ; mais fidèle au dicton, je ne m’avoue pas vaincu : « l’espoir fait vivre ».
No hay comentarios:
Publicar un comentario