Enfin, la citoyenne Thérèse Lagarde a reçu le prix de 100.000 euros qu’elle
avait remporté il y a trois semaines. Le maire de Dijon a permis, après de
longues discussions au sein du Conseil Municipal, de lancer trois quarts de
l'argent par la fenêtre centrale de l’hôtel de ville. Radio France Loisir
(RFL), la station qui a organisé le drôle de jeu appelé « La bonne fée », a
fixé comme condition pour livrer l'argent que les idées folles qui avaient
obtenu le prix devraient être mises en œuvre au pied de la lettre. Les
promoteurs ont décidé, donc, de rester fidèles à la devise du concours : « Pour
que vos désirs n’avalent pas n’importe quoi… faites les croquer ! »
Eh bien, exactement 75.000 euros ne seront pas jetés
car Monsieur Horace Deschamps, le maire, a gardé 25.000 euros sans expliquer
pour le moment le but.
En tout cas, un autre problème est apparu : l’officier
supérieur de la gendarmerie à Lyon, Monsieur Armand López, a confirmé bel et
bien que l'initiative est très dangereuse en ce qui concerne l'ordre public,
même pour l'intégrité physique des personnes. Avec ses mots : « Nous pouvons
assister à la plus grande manifestation qui a eu lieu en France depuis celle de
sa libération en 1944. Si ce fou… pardon, si cet homme chanceux fait ce qu'il
dit, le bazar est assuré. » Tout de suite, en chantant, il a commencé à imiter
le « rrr » roulé alvéolaire voisé d’Edith Piaf.
Emportés par la foule
qui nous traîne Nous entraîne
Écrasés l'un contre l'autre
Nous ne formons qu'un seul corps
Et le flot sans effort
Nous pousse, enchaînés l'un et l'autre
Et nous laisse tous deux
Épanouis, enivrés et heureux.
Ou peut-être écrabouillés, il a ajouté avant de
quitter la salle où s’est tenue la conférence de presse.
La solution que mademoiselle Lagarde a trouvée au gros
problème, un compliqué ménage à quatre, est tout à fait géniale : elle
(c’est-à-dire, la solution) plaît au maire, satisfait des conditions de la RFL
et, en plus, débarrasse la Gendarmerie d’un grave souci.
Voici la clé : Comme convenu, le maire recevra
l’argent promis comptant et trébuchant ; l’officier supérieur de la gendarmerie
obtiendra, à son tour, un bonus de dix mille euros pour « sa collaboration » ;
et la rusée jeune femme versera la somme restante sur un compte bancaire (le
sien, évidemment). Jour après jour, Thérèse lancera depuis la fenêtre à
n’importe quelle heure de la journée (probablement durant la nuit obscure) une
pièce de monnaie d’un centime d’euro. Elle dépensera trois euros et soixante centimes
chaque année… Quand le journaliste du magazine Femme actuelle a demandé à
Thérèse si elle espère demeurer sur la terre seize mille ans environ, elle a
répondu en chantant très doucement :
La vie est belle même si c’est vrai qu’parfois le
destin s’en écarte.
Faut vivre ta vie comme si tu mourrais demain.
Profite de chaque instant avant qu’la mort vienne
te dire faut qu’tu partes.
Car il sera trop tard pour te reprendre en main.
Post-scriptum : Si Thérèse dépose l’argent à La Banque
Nationale de Paris, cette centenaire et respectable institution lui donnera un
taux d'intérêt de quatre pour cent annuel révisable à la hausse. Faites
vous-même les comptes !

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